Amélioration de la position de l’acheteur et du maître de l’ouvrage en présence de défauts de construction
En décembre 2022, le Conseil fédéral soumettait au Parlement un projet de modifications législatives visant à renforcer les droits de l’acquéreur immobilier et du maître de l’ouvrage en présence de défauts du bien acheté ou de l’ouvrage immobilier construit.[1] Le 20 décembre 2024, après avoir débattu du, et adapté le projet de loi en question, l’Assemblée fédérale l’a adopté.
Les modifications législatives abordées ci-dessous entreront en vigueur le 1er janvier 2026, sans s’appliquer aux contrats conclus antérieurement à cette date, à moins que les parties ne l’aient prévu.
Elles portent exclusivement sur des constructions et des biens immobiliers. Les objets, par exemple une table, une chaise ou encore un lit, ne sont pas concernés par ces modifications. Ci-après, la désignation des parties et les contrats mentionnés ne se rapportent qu’à des, constructions, ouvrages et biens immobiliers.
Allongement du délai pour signaler les défauts
Selon le droit en vigueur à ce jour, le délai imparti au maître d’ouvrage pour signaler les défauts de l’ouvrage à son entrepreneur, respectivement à l’acheteur pour signaler les défauts à son vendeur, est extrêmement court. L’acheteur, ou le maître d’ouvrage, a l’obligation de vérifier l’état de la chose dès qu’il la reçoit. S’il constate des défauts, il doit les signaler sans délai au vendeur ou à l’entrepreneur. La jurisprudence du Tribunal fédéral admet que le délai d’avis des défauts est respecté si ces derniers sont annoncés dans un délai de sept jours. Le point de départ de ce délai de sept jours varie si les défauts sont apparents ou cachés.
Ce très bref délai et les lourdes conséquences juridiques de son non-respect, soit la péremption de tous les droits de garantie, s’il est omis, tardif ou insuffisamment motivé, représentent des risques non négligeables pour le maître d’ouvrage ou l’acheteur. Les conséquences pratiques peuvent être désastreuses, notamment pour les particuliers qui font construire leur logement.
Afin de réduire ces risques, le législateur a décidé de porter à minimum 60 jours le délai imparti à l’acheteur et au maître de l’ouvrage pour signaler les défauts. Ce délai peut être prolongé d’entente entre les parties, mais en aucun réduit.
Pour les défauts apparents, le délai de 60 jours pour les signaler commencera à courir dès le transfert de propriété en cas de contrat de vente et dès la livraison de l’ouvrage en cas de contrat d’entreprise.
Il n’est toutefois pas à exclure que le point de départ du délai de 60 jours pour signaler les défauts en cas de contrat de vente puisse faire l’objet d’avis divergents.
Pour les défauts cachés, le délai de 60 jours pour les signaler commencera à courir dès leur découverte, tant en cas de contrat de vente qu’en cas de contrat d’entreprise.
Renforcement des droits de garantie
Lors de la conclusion de contrats d’entreprise ou de vente comportant des constructions neuves ou sur plans, il n’est pas rare que les parties excluent ou limitent la responsabilité de l’entrepreneur ou du vendeur, en contrepartie que ce dernier cède à l’acheteur ou au maître d’ouvrage ses droits de garantie à l’encontre de ses sous-traitants.
L’utilisation et la portée de ce type de clause, à savoir la cession par le vendeur à l’acheteur, ou par l’entrepreneur au maître de l’ouvrage, de ses droits de garantie à l’encontre de sous-traitants, seront fortement restreintes à compter du 1er janvier 2026.
En matière de contrat d’entreprise, toute clause convenue à l’avance restreignant ou excluant le droit du maître de l’ouvrage à la réparation des défauts par l’entrepreneur sera nulle. L’entrepreneur ne pourra dès lors plus se libérer de cette garantie en la cédant à l’encontre de ses sous-traitants.
En matière de contrat de vente, l’acheteur pourra désormais exiger du vendeur que ce dernier répare à ses frais les défauts. Cette faculté donnée à l’acheteur est une nouveauté. Elle ne lui est toutefois conférée qu’en présence d’une construction immobilière de moins de deux ans ou qui est à réaliser (ex : achat sur plan).
Enfin, le délai de prescription de cinq ans à compter de la réception de l’ouvrage ou du transfert de propriété pour faire valoir ses droits à la garantie deviendra incompressible. Les parties ne pourront plus convenir d’une durée plus courte, tant pour une vente immobilière que pour un ouvrage immobilier.
Sûretés suffisantes et intérêts moratoires limités à 10 ans
Toujours dans l’optique d’améliorer la position de l’acheteur et du maître d’ouvrage, le dernier volet du paquet de modifications législatives concerne l’hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs (ci-après : l’hypothèque).
En l’état, le propriétaire d’un ouvrage peut éviter l’inscription de l’hypothèque s’il fournit des sûretés suffisantes, sans toutefois que la durée pour laquelle les intérêts moratoires doivent être couverts ne soit mentionnée. Dans la pratique, cela a conduit à des difficultés pour les propriétaires d’ouvrages de constituer des sûretés suffisantes.
À compter du 1er janvier 2026, les sûretés seront considérées comme suffisantes si elles couvrent, en sus de la valeur litigieuse de l’ouvrage défectueux, un montant équivalent à dix ans d’intérêts moratoires.
Et maintenant ?
Ces modifications entraîneront selon toute vraisemblance une adaptation des normes SIA afin de rendre ces dernières compatibles avec le nouveau droit.
Puisqu’elles toucheront un grand nombre d’individus et de sociétés, de même qu’elles s’appliqueront à des rapports juridiques répandus, il est à prévoir que ces modifications auront un fort impact dans la pratique, notamment dans les constellations de contrats d’entreprise générale et totale.
En anticipation de ces changements, il est recommandé aux professionnels des milieux concernés d’effectuer une analyse de leur documentation contractuelle et, au besoin, de procéder à sa mise à jour.
[1] https://haeusermann.ch/de/projet-de-modification-legislative/